CIWF publie aujourd’hui son dernier rapport ChickenTrack. Cet outil a pour but de suivre les progrès des entreprises engagées dans la démarche du Better Chicken Commitment (BCC), une démarche d’amélioration en matière de bien-etre animal de la production de poulet standard, dont la consommation ne cesse d’augmenter. Ce rapport montre des progrès des entreprises françaises, mais également des retards nets si elles veulent respecter leurs engagements à échéance 2026.
ChickenTrack 2024 : un état des lieux en Europe
Plus de 380 entreprises ont signé le BCC en Europe. ChickenTrack 2024 évalue les progrès des 93 entreprises les plus influentes, sélectionnées en fonction de leur taille, de leur présence géographique et de leur empreinte sur le marché du poulet, dans huit pays européens.
La France est une nouvelle fois le pays le plus largement représenté dans ChickenTrack, avec 31 entreprises françaises évaluées cette année, dans tous les secteurs de l’agroalimentaire. La proportion d’entreprises qui publient un reporting sur leur transition est passée de 65 % en 2023 à 69% en 2024. Notamment, 11 entreprises rapportent pour la première fois leurs progrès, dont Big Mamma Group, Les 3 Brasseurs et OKay en Belgique.
Parmi les 93 entreprises suivies, 64 communiquent sur leurs avancées, mais 29 n’ont toujours pas publié de reporting.
La filière française prête sur les critères liés à l’enrichissement et la lumière naturelle, mais en retard sur la baisse de la densité et les souches
Parmi les critères du BCC, ceux liés à l’amélioration de l’environnement des poulets témoignent du plus fort taux de transition : 43% des volumes de poulet produits par Galliance et 61% de ceux produits par LDC sont conformes au critère lumière naturelle ; 49% et 60% le sont pour le critère enrichissement (respectivement chez Galliance et LDC). Côté aval, ces progrès se retrouvent dans les reportings : notamment 55% de conformité pour API Restauration sur la lumière naturelle, 46% chez Burger King France et 45% pour Accor (Europe).
Toutefois, ces deux critères ne peuvent à eux seuls garantir un niveau de bien-être animal suffisant pour les poulets. La baisse de la densité (de 40 kg/m² en moyenne en France à 30 kg/m²) et l’usage de souches à croissance plus lente, crucial pour garantir un niveau minimal de bien-être animal et permettre aux oiseaux de profiter de leur environnement, sont pourtant les critères affichant les taux de transition les plus bas.
Seules deux entreprises atteignent 100 % de conformité sur la densité d’élevage. Danone, Casino, Carrefour dépassent quant à elles les 40% de conformité pour le critère densité.
Concernant le recours aux souches à croissance plus lente, rares sont les entreprises ayant réalisé des progrès significatifs. Parmi elles, deux françaises ouvrent la voie : Monoprix (73% de conformité), et Schiever Distribution (100% de conformité).
Dans un contexte d’augmentation massive de la consommation de poulet de chair en France, la viande de poulet est devenue en 2024 la viande la plus consommée du pays (+10% par rapport à 2023, + 15 % en 5 ans), la question se pose de la façon dont la filière entend répondre aux enjeux sociétaux et éviter les importations intra-européennes, en augmentation constante (+37 % en 5 ans). Certains pays européens ont fait le choix de soutenir une amélioration des critères de production standard, afin de répondre aux attentes des consommateurs et d’encourager les entreprises qui s’engagent dans la démarche BCC.
La responsabilité collective des entreprises engagées est en jeu
La France ne compte pas moins de 130 entreprises engagées dans le BCC, si les distributeurs français ont joué un rôle clé pour initier le changement, il est essentiel aujourd’hui que l’intégralité des acteurs de l’aval de la filière (transformation, restauration commerciale et collective, grossistes, distribution) assument leur responsabilité collective dans la transition.
La transition vers le BCC doit s’intensifier et elle nécessite, pour cela, un engagement global de l’ensemble des maillons de la filière :
- Les producteurs doivent accepter de fournir du poulet BCC et mettre en place toutes les mesures pour atténuer le surcoût, notamment en optimisant la conduite d’élevage et la valorisation des coproduits.
- Les distributeurs, industriels et acteurs de la restauration doivent anticiper leur transition en définissant des feuilles de route précises, afin d’offrir de la visibilité aux producteurs et de leur permettre d’adapter leurs capacités de production. Ils doivent également optimiser l’utilisation de toutes les parties du poulet afin de limiter le surcoût lié aux changements de pratiques, et de limiter le déclassement de poulets BCC en poulet standard.
- Des contrats doivent être établis entre acheteurs et fournisseurs pour sécuriser des volumes de poulet BCC sur plusieurs années (3 à 5 ans), garantir la viabilité économique de la filière et éviter une rupture d’offre en 2026.
La contractualisation par la grande distribution, un levier clé
Dans la grande distribution, les engagements dans le BCC sont accompagnés par l’adhésion de plus de 70% de la grande distribution française (Auchan, Groupe Casino, Carrefour, Système U, Les Mousquetaires, Lidl) à l’Etiquette Bien-Être Animal appliquée à la filière poulet, dont le Niveau C correspond aux critères en élevage du BCC. L’Etiquette Bien-Être animal est un moyen clair et transparent de communiquer auprès du consommateur et de l’impliquer dans la transition. Parmi les distributeurs engagés dans la démarche, CIWF salue le déploiement de l’étiquette Niveau C chez Auchan, Carrefour, Casino, Franprix, Monoprix et Lidl.
Cependant, même si ces progrès sont encourageants, la transition a stagné et un point critique demeure : les produits d’entrée de gamme, qui représentent un volume conséquent, n’ont pas encore fait l’objet d’une réelle transition vers le BCC. Avec l’échéance qui approche, il est essentiel que ces produits suivent le même chemin, grâce au travail des enseignes sur leurs premiers prix, mais aussi grâce à un engagement massif dans la démarche des marques nationales, grandes absentes du BCC à ce jour.
Pour Lucille Bellegarde, Responsable des Affaires Agroalimentaires chez CIWF France :
La question de la contractualisation est au cœur de la transition, les acteurs de l’aval doivent prendre leurs responsabilités quant à leurs engagements, et travailler de concert avec leurs fournisseurs pour leur donner la visibilité nécessaire à la mise en place des critères du BCC. Sans action rapide de toutes les entreprises engagées, l’ambition initiale de transformation du marché restera incomplète, et l’accès à une offre BCC pour tous les consommateurs sera limité.