les ONG appellent le ministre à cesser de les instrumentaliser et à prendre ses responsabilités
17 juillet 2023, Paris. Dans le cadre de la révision de la législation européenne en matière de protection des animaux d’élevage, le communiqué de presse publié le 11 juillet par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire en guise de conclusion d’un processus national de concertation ne peut cacher l’échec de cette initiative et son absence générale de consensus. Cet été, le ministre français, Marc Fesneau, a (encore) l’opportunité de jouer un rôle majeur pour l’avenir de l’élevage dans notre pays et à travers l’Union européenne : il doit définir la position qui sera portée par la France.
Une révision historique
Mais de quoi s’agit-il exactement ? De faire évoluer les textes européens, datant pour certains de plus de 20 ans, qui définissent les exigences applicables aux élevages d'animaux destinés à la consommation en matière de protection animale. Peut-on continuer à maintenir des millions d’animaux en cages, qui les empêchent parfois de se retourner ? Peut-on continuer à entasser en bâtiment les poulets, à raison d’environ 22 poulets par m² ? Peut-on continuer à mutiler les animaux pour les adapter aux systèmes de production ? Voilà concrètement de quoi il s’agit.
Des questions essentielles pour les animaux (la France concentre, après la Pologne, le plus grand nombre d’animaux d’élevage en Europe), mais aussi pour les éleveurs, les agriculteurs, les consommateurs, et l’ensemble des citoyens, car ces nouvelles normes européennes vont façonner l’élevage de demain. Cette révision, tant attendue et ô combien nécessaire, permettra la mise à jour de la législation de l'Union européenne, qui est actuellement incomplète, datée et obsolète, certains animaux ne bénéficiant d'aucune protection spécifique, comme les lapins ou les vaches laitières. Il s'agira également d'amorcer la transition écologique de notre système alimentaire, mais surtout de répondre aux attentes des citoyens européens en matière de protection animale. Pour rappel, d'après un sondage IFOP de 2022, près de 85 % des Français sont opposés à l'élevage intensif !
Une concertation factice
Pour élaborer sa position, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a organisé une « concertation » des parties prenantes au pas de course, entre le 10 mars et le 23 juin derniers, pour traiter quatre grandes problématiques : élevage des animaux, transport des animaux, formation des opérateurs et valorisation/accompagnement des éleveurs. Ces délais ont été jugés trop contraints par bon nombre des parties concertées. Par ailleurs, le ministère n'a pas jugé bon de traiter le sujet de l'abattage, alors même que le règlement européen sur l'abattage est un des textes majeurs qui va être révisé.
Autre tendance que ces “débats” ont exacerbée : une remise en cause permanente des connaissances scientifiques. Les avis de l’EFSA, autorité européenne de sécurité des aliments qui regroupe des spécialistes scientifiques de tous les Etats membres, au sujet de la protection des animaux d’élevage, ont été renvoyés au rang de textes de propagande anti-élevage, déconnectés de la réalité du terrain et sans utilité. Les enjeux de bien-être animal sont sans cesse minimisés : les mutilations, pourtant avérées scientifiquement, deviennent « potentiellement » douloureuses, les cages sont amalgamées avec l’isolement temporaire des animaux malades ou blessés, les souffrances dans les transports ne sont « qu’un mauvais moment à passer »… Même ce qui est déjà interdit par la loi, comme la coupe systématique des queues des porcelets, qui est peu appliquée, devient « une contrainte supplémentaire non légitime pour une filière asphyxiée ». Une décrédibilisation de la science inquiétante et qui complique grandement la capacité à trouver des solutions concrètes aux enjeux de bien-être animal, pourtant bien réels.
Un ministre qui ne joue pas son rôle
Les filières minimisent les problèmes, invoquent des causes "multifactorielles" et des surcoûts non-objectivés. Elles mettent en avant les "bonnes pratiques" tout en précisant que l'accès des animaux à l'extérieur est une “fausse bonne idée”, qu'il faut plus de recherches (mais avec des résultats qui les arrangent). Finalement, il est urgent de ne rien faire. Voilà la teneur des débats.
Pourtant, professionnels, entreprises agroalimentaires, structures d’accompagnement et interprofessions auraient la capacité d'aider les éleveurs - dont on peut comprendre les craintes et interrogations à engager une transition dans un contexte économique fragile. L'anticipation est aujourd'hui vitale pour assurer la pérennité économique des filières face aux défis du changement climatique, de la crise de la biodiversité et pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs en matière de bien-être des animaux.
Au travers de ce processus de concertation factice, l'Etat semble laisser aux parties prenantes la responsabilité des dissensus, ce qui ne favorise que le statu quo et accroît les tensions. Nous, 7 associations de protection animale unies pour porter une ambition forte pour cette révision, attendons du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, qu’il joue son rôle : celui d’orienter et d’arbitrer, pour apaiser les débats sur l’élevage et engager la transition de notre système alimentaire. Nous demandons au ministre d'élever les ambitions de notre pays et d'impulser la transformation de l'élevage en France et au sein de l’Union européenne en faveur de pratiques plus vertueuses pour les animaux.