Plus de 50 millions d’oiseaux ont été abattus en Europe en 2022, dont 21 millions en France. Il n’y a même plus de ralentissement entre les épisodes épidémiques. L’épizootie de grippe devient endémique. Les éleveurs sont à bout de souffle. Les solutions proposées par les pouvoirs publics sont inadaptées. En réalité, la grippe aviaire ne peut être
enrayée sans une refonte majeure du secteur de la volaille. CIWF demande au gouvernement français et à l’Union européenne des réformes urgentes afin d'éviter que des virus n'échappent à tout contrôle et ne créent une pandémie humaine, comme le fait craindre le virus de la grippe aviaire hautement pathogène actuellement. L’ONG propose un plan d’action en 3 volets.
Une « nouvelle étape franchie » dans la propagation du virus
Cet appel fait suite aux informations selon lesquelles la grippe aviaire a infecté des oiseaux jusqu'en Antarctique et que le virus est parvenu à s’étendre des oiseaux à certaines espèces mammifères telles que les loutres, les renards, les ours, les ratons laveurs, ainsi que les phoques et les otaries. Depuis octobre 2021, le virus a tué environ 140 millions de volailles dans le monde, perturbant ainsi l'agriculture et l'environnement.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) indique qu'au cours des 20 dernières années, près de 870 cas d'infection humaine par le virus de la grippe aviaire H5N1 ont été signalés dans 21 pays. Parmi ces cas, 457 ont été mortels. Et les experts alertent sur ces contaminations, car si pour l’instant le virus parvient parfois à atteindre l’être humain, il n’y a pas eu de cas déclaré de transmission entre humains. Le risque principal avec la grippe aviaire est qu’un jour le virus parvienne à muter et à se transmettre entre humains à la suite d’une mutation du génome viral. Par le passé, les rares cas de maladies aviaires qui se sont transmises à l’humain, puis entre humains, ont été de véritables catastrophes sanitaires, comme la grippe espagnole qui a sévit entre 1918 et 1920 (faisant entre 50 à 100 millions de morts selon les dernières estimations).
L’élevage intensif de volaille, catalyseur de grippe aviaire !
Accuser les oiseaux sauvages d'être responsables de la grippe aviaire permet de détourner l'attention du rôle accablant de l’élevage intensif de volailles dans le développement de cette maladie.
Jusqu'alors, les virus de la grippe aviaire qui circulaient naturellement chez les oiseaux sauvages étaient généralement peu pathogènes, c'est-à-dire qu'ils causaient peu de dommages aux oiseaux. C'est lorsqu'ils pénètrent dans les élevages industriels que les virus de la grippe aviaire faiblement pathogènes peuvent évoluer vers une dangereuse grippe aviaire hautement pathogène. La production industrielle de volailles, pour laquelle des milliers d'oiseaux sont entassés dans les bâtiments d’élevage, offre au virus une réserve constante de nouveaux hôtes ; il peut alors se déplacer très rapidement parmi les oiseaux, augmentant ainsi le risque d’apparition de nouvelles mutations du virus.
La grippe aviaire faiblement pathogène se propage ainsi des oiseaux sauvages aux volailles des élevages intensifs où elle peut muter en grippe aviaire hautement pathogène qui se propage ensuite aux oiseaux sauvages ou autres volailles d’élevage, c’est un cercle vicieux infernal.
L’épizootie est devenue endémique, il faut corriger le système !
Les moyens alloués par l’Etat pour gérer la situation sont totalement inadéquats et les mesures imposées (notamment la claustration des volailles plein air) se sont avérées être des pansements sur une jambe de bois.
Les gouvernements européens ne semblent avoir aucune stratégie pour sortir de ces épidémies de grippe aviaire, si ce n'est l'espoir qu'elles finiront par s'éteindre d’elles-mêmes. Mais ces épidémies sont devenues structurelles. Au lieu de pointer du doigt les oiseaux sauvages ou les élevages plein air et prioriser l’industrialisation des filières, les gouvernements doivent prendre de la hauteur. La grippe aviaire ne peut être enrayée sans une refonte majeure du secteur de la volaille. CIWF propose un plan d'action en trois volets :
- Il faut « désintensifier » le secteur avicole : réduire les cheptels en taille et en densité pour permettre de réduire la pression sanitaire dans les élevages et donc les risques d’amplification de la grippe aviaire. De plus, il faut arrêter d’utiliser des volailles génétiquement sélectionnées pour l’élevage intensif, c’est-à-dire des animaux qui ont un très haut niveau de production au détriment de leurs capacités à résister aux maladies. Il faut que les filières de volailles se tournent vers des souches génétiques plus rustiques et donc plus résistantes aux maladies. Nous ne sommes pas les seuls à le dire : en 2022, dans son bilan sur la grippe aviaire, l’ANSES indique « c’est une réflexion de toutes les filières vis-à-vis de la réduction des densités d’élevage et d’oiseaux en élevage, qu’il convient de recommander ».
- Il faut envisager sérieusement la vaccination. Elle comporte des difficultés et des risques, mais elle pourrait ralentir la propagation de la maladie et réduire le risque d'excrétion et de réplication du virus.
- Il faut réduire notre consommation de viande et d’œufs. Le poulet est la seule viande dont la consommation augmente aujourd’hui en France. Cela ouvre les vannes pour les importations, et met à mal la capacité de notre filière à monter en gamme et améliorer les conditions d’élevage. Il est indispensable de mettre en cohérence la baisse de la production et celle de la consommation, et ce, également pour permettre d'atteindre les objectifs climatiques de l’Accord de Paris (réduction de l'utilisation de soja et de céréales comme le blé et le maïs pour l'alimentation animale…).
Philip Lymbery, directeur international de l’ONG conclut :
Nous ne sommes plus qu'à quelques mutations d'une propagation de personne à personne. Pour avoir une chance d'enrayer cette crise, nous devons tirer les leçons de la pandémie de COVID-19. Nous devons agir avant qu'il ne soit trop tard et cela implique de réformer de toute urgence le secteur de la volaille dans le monde entier - en abandonnant les systèmes intensifs qui constituent un terreau fertile pour l'émergence de nouvelles souches de virus plus mortelles.