CIWF, Animal Welfare Foundation (AWF) et Animals International (AI) ont été témoins de la façon dont un vieux cargo avec près de 8 000 animaux à bord a dû être remplacé alors qu'il était en mer. La législation européenne inadaptée et sa mauvaise application entraînent régulièrement de longues souffrances pour les animaux exportés hors de l'UE.
Une énième exportation tragique d’animaux vivants par voie maritime
Le 23 février, le transporteur de bétail Spiridon II a quitté Tarragone en Espagne. Ce pays est l'un des principaux exportateurs d'animaux vivants en Europe. Environ 300 taurillons provenant de France et d'Espagne ainsi que 7 600 moutons espagnols étaient à bord. Leur destination était le port d'Aqaba en Jordanie.
Le 27 février, des problèmes de moteur sont survenus. Le voyage a été interrompu, et le navire a passé trois jours près de ports grecs. Le déchargement des animaux sur les terres européennes n'était pas envisageable. Une fois sur l'eau, ils sont déclarés comme des animaux dits "d'exportation" et ne peuvent pas rentrer dans l'UE. Cela entraîne souvent des conséquences tragiques, comme les odyssées de Karim Allah et d'Elbeik début 2021, où 2 600 veaux et bovins ont été soumis à un abattage d'urgence.
L’exportation d’animaux vivants par voie maritime, un problème de fond !
Maria Boada-Saña, vétérinaire et responsable de projet à AWF, critique les exportations d'animaux vivants par voie maritime : "Les bétaillers actuellement en service dans l'UE ont été convertis de car-ferries ou de cargos en transporteurs de bétail au moment où ils auraient dû être mis au rebut parce qu'ils étaient trop obsolètes pour continuer. Ce sont des navires anciens, opérant sous des pavillons suspects, et ils sont mal conçus et mal entretenus. Ces navires présentent de nombreux risques pour la sécurité des animaux, de l'équipage et de l'environnement."
Ce dernier événement ne fait que s'ajouter à une longue liste d'exportations problématiques d’animaux vivants. Et le Spiridon II n'est qu'un des trop nombreux navires obsolètes présentant de nombreuses déficiences et des problèmes « inattendus » survenant au cours du voyage. Les ONG ont à plusieurs reprises attiré l'attention sur les problèmes sous-jacents. Les urgences en mer ne peuvent être résolues facilement et entraînent forcément des transports plus longs. Si les autorités compétentes perdent la responsabilité des navires qui ont quitté le port, tout incident imprévu peut avoir des conséquences tragiques, comme le montre l'exemple d'Elbeik et de Karim Allah. Il faudrait adopter une approche systématique pour résoudre le problème de fond au lieu de « solutions » improvisées pour chaque cas particulier.
La révision actuelle des règles de l’UE en matière de bien-être animal, une occasion immanquable de mettre un terme à ces exportations
Les ONG ont révélé que lors des exportations par voie maritime, le règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil relatif au transport des animaux ne peut être respecté. Cela montre une fois de plus que la législation actuelle et l'arrêt de la Cour de justice européenne ne garantissent pas une réelle protection des animaux pendant toute la durée du transport.
A ce jour, nous n’avons aucune information sur ces animaux et donc sur les 300 taurillons. Une fois de plus, ce dernier incident révèle les graves lacunes des exportations d'animaux vivants de l'UE. Les horribles souffrances que les animaux endurent pendant ces exportations et les trop fréquents problèmes mécaniques des navires ne peuvent passer inaperçus. Les filières françaises dépendent beaucoup des exportations. Il n’y a quasiment aucun contrôle lors des trajets maritimes, pourtant le plus souvent de très longue distance. Nous demandons instamment à la Commission européenne de prendre des mesures immédiates à ce sujet. La révision actuelle des règles de l'UE en matière de bien-être animal offre l'occasion idéale d'interdire cette cruauté une fois pour toutes
déclare Léopoldine Charbonneaux, directrice de CIWF France.
"Le Spiridon II est resté dans le port d'Eleusis jusqu'au 8 mars, date à laquelle il est parti en réparation. Les animaux qui ont survécu à ce voyage éprouvant sont arrivés en Jordanie le 9 mars, pour être abattus dans des conditions choquantes, illégales dans l'UE", rapporte Gabriel Paun d'AI, qui documente depuis des années le traitement des animaux exportés par l'UE.