Publié 05/04/2016
Après plus d’un an de maturation, le Ministre a « lancé » aujourd’hui officiellement sa Stratégie bien-être animal. CIWF France a participé aux réflexions et groupes de travail en tant que membre du Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV). Si nous saluons la volonté du Ministère d’affirmer l’importance du bien-être animal par la mise en place d’une Stratégie dédiée, force est de constater que les engagements du plan d’action sont plutôt décevants.
Manque d’ambition
La France affirme enfin l’importance du bien-être animal en actant le principe d’une Stratégie française en la matière, ce qui est positif. Mais le contenu et la portée du texte est décevant et manque d’ambition. La plupart des améliorations devront se faire à réglementation constante. Le plan d’action consiste en grande partie à identifier l’existant, faire des états des lieux et recensements. Une étape nécessaire mais insuffisante pour garantir une évolution des pratiques.
Quelques exemples :
- Dans les abattoirs, la présence d’un RPA (Responsable de Protection Animale), est déjà obligatoire depuis le 1er janvier 2013. Il sera juste étendu aux petits abattoirs. De plus, le ministre ne mettra pas les moyens suffisants pour assurer des contrôles systématiques au poste d’abattage. Aucune décision non plus sur l’instauration de vidéosurveillance comme demandé par les associations.
- Toujours pas de réglementation pour les espèces non soumises à règlementation spécifique, comme les vaches laitières ou les lapins. La Stratégie propose tout au plus de définir des guides de bonnes pratiques.
- Pas de propositions pour encourager les modes d’élevages moins intensifs, en les valorisant auprès des consommateurs par exemple avec un étiquetage obligatoire du mode d’élevage. En France, la grande majorité des élevages sont intensifs et les consommateurs l’ignorent. Pourtant ce jour le ministre a affirmé que le plein air « est un élément de bien-être animal supplémentaire ».
Pour Agathe Gignoux, chargée d’affaires publiques,
Nous regrettons que ce plan définisse peu d’actions précises accompagnées d’indicateurs de résultats et de calendrier prévisionnel pour une amélioration rapide des pratiques. La France n’est pas le meilleur élève en Europe quand il s’agit d’appliquer ne serait-ce que la règlementation existante en matière de bien-être animal. Les freins sont nombreux, et nous avons besoin d’une volonté politique forte pour les faire tomber.
En ce qui concerne la mise en œuvre de la règlementation déjà en vigueur, comme l’enrichissement du milieu ou les mutilations (coupe des queues en élevage de porcs, castration à vif), le plan d’action est trop vague, se cantonnant d’identifier les pratiques systématiques et les facteurs de risques ou d’étudier les pistes zootechniques alternatives.
Aucune volonté d’encourager les alternatives
La recherche et la pratique, notamment dans d’autres pays européens, a permis depuis de nombreuses années déjà, d’identifier les alternatives efficaces à certaines mutilations. Il faut désormais pousser leur mise en place, et notamment proposer des financements incitatifs, comme le font d’autres pays ; l’Allemagne par exemple offre une prime pour chaque cochon non mutilé.
Il est décevant que le Ministre refuse de reconnaître des problèmes de bien-être animal inhérents aux productions intensives, et cette Stratégie ne propose aucune mesure pour favoriser les élevages « alternatifs », qui présentent un potentiel de bien-être animal élevé. Nous avons porté plusieurs propositions, comme celle de l’étiquetage obligatoire du mode d’élevage, sans que cela soit retenu par le Ministère.
Des points positifs
L’introduction d’une Stratégie française sur le bien-être animal est tout de même un symbole important, et nous saluons certaines initiatives positives :
- Création d’un Centre National de Référence, qui avait été acté dans la loi d’avenir agricole - nous attendons encore les modalités de fonctionnement et de constitution de cette structure, dont les membres doivent être impartiaux et indépendants.
- Abattoirs : Les associations demandent à ce que le Responsable Protection Animale soit protégé, comme peut l’être un délégué syndical. Le ministre affirme vouloir lui donner pour cela le titre de lanceur d’alerte. A suivre.
- Amélioration de la formation initiale et continue au bien-être animal grâce à une plateforme dédié au sein du Centre National de Référence
- L’annonce d’un soutien financier important pour développer une alternative à l’élimination des poussins mâles, par le sexage in ovo et plus généralement une ambition de mieux encadrer les mises à morts en élevage.
- Intégration du bien-être animal dans les plans Agriculture et Innovation 2025 et Innov’action – des financements sont attendus sur des pratiques réellement exigeantes en matière de bien-être animal, au-delà des standards minimaux, ce qui n’est pas précisé.
La France en retard par rapport à ses voisins européens
De nombreux pays européens ont mis en place des législations plus exigeantes que les normes minimales européennes. Certains se positionnent fortement pour améliorer le bien-être animal. En décembre 2014, l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas ont signé une déclaration commune sur le bien-être animal bien plus ambitieuse et forte, où ils appellent à considérer l’encadrement de certaines espèces non protégées comme les lapins, renforcer l’existant en matière notamment de castration ou de coupe des queues, et à renforcer la synergie entre les différentes politiques européennes, comme la PAC ou les politiques environnementale pour améliorer le bien-être animal, etc. En avril 2015, ces même pays ont demandé une révision de la Directive porcs. CIWF attend qu’enfin de telles mesures soient prises en France.
Contact presse
Claire Hincelin – claire.hincelin@ciwf.fr - 01 79 97 70 53 - 06 26 07 55 43
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