La crise de mars 2020 liée au COVID-19 rend désormais évident le fait que nous devons traiter les animaux d'une manière complètement différente.
Un marché alimentaire en Chine, vendant des animaux sauvages vivants, serait à l’origine de l’épidémie de COVID-19 qui a fait des centaines de milliers de malades et des milliers de morts. Cela semble loin du sujet, mais la question vaut la peine d’être posée : l'élevage industriel n’engendre-t-il pas au moins autant de risques ?
Marchés d’animaux vivants
On sait depuis un certain temps que les animaux sauvages, comme les chauves-souris, peuvent porter des virus sans pour autant que cela les rende malades. Dans plusieurs régions du monde, des animaux sauvages sont vendus vivants dans des marchés et abattus directement sur place. C’est le terreau parfait pour la transmission de zoonoses (maladies qui passent des animaux aux humains), en raison des conditions insalubres, mais aussi parce que ces marchés mettent en contact des animaux sauvages avec des espèces qu’ils n’auraient jamais côtoyées à l’état sauvage, et avec des humains. Mais ces marchés n’ont pas le monopole du développement de maladies qui peuvent se propager de l'animal à l'homme.
Vache folle, peste porcine et grippe aviaire
La première pandémie majeure de ce siècle, la grippe mexicaine en 2009, est née dans l'industrie porcine et a tué près de 17 500 personnes dans le pays. Il y a eu avant cela d’autres pandémies et maladies transmises par les animaux aux humains : la crise de la vache folle, puis la grippe aviaire (H5N1) pour ne citer que les plus tristement « célèbres ».
La grippe aviaire, hautement pathogène a été diagnostiquée la semaine dernière en Allemagne. La peste porcine africaine, qui décime les cochons en Chine, a également atteint des élevages de porcs dans l'ouest de la Pologne. Il ne faudra pas longtemps pour que cette nouvelle peste porcine, pour laquelle il n'existe pas encore de vaccin ou de médicament, n'atteigne la France.
Ces maladies animales sont causées par des virus qui se propagent rapidement parmi les animaux d’élevage intensifs. La promiscuité des animaux dans ces élevages et la faible diversité génétique des animaux permet aux virus et bactéries de se propager très rapidement. Mais les animaux ne sont pas les seules victimes. Les élevages intensifs fonctionnent comme une cocotte-minute dans laquelle un virus peut muter rapidement, devenir plus virulent, et menacer également la santé humaine.
D’autre part, la consommation d’animaux sauvages participe aussi à la transmission à l’homme. Le virus Ebola, par exemple aurait été transmis à des hommes ayant mangé de la viande de brousse.
Les conséquences indirectes de l’élevage intensif
La croissance au niveau mondial de l'élevage industriel augmente également les chances que des personnes entrent en contact avec des animaux sauvages et donc avec des virus potentiellement mortels. En effet, pour nourrir les milliards d'animaux enfermés dans des élevages intensifs, les forêts sont coupées à grande échelle pour cultiver à la place de l’alimentation qui sera exportée pour nourrir les animaux de nos élevages intensifs (maïs, soja, palme). En conséquence, l'habitat naturel des animaux sauvages est toujours plus réduit et les probabilités de contacts avec des humains augmentent. C’est un facteur important dans l'émergence de nouvelles maladies infectieuses chez l'homme.
Les choses doivent changer
La crise liée au COVID-19 ne peut pas être dissociée de nos modes d’élevage et de consommation. Elle rend évident ce que CIWF dénonce depuis des années : notre système agricole et alimentaire n’est ni durable ni résilient et il nous faut urgemment élever et traiter les animaux d'une manière complètement différente.
La fermeture des marchés d’animaux sauvages vivants est importante mais largement insuffisante. Nous devons également mettre un terme à l'élevage industriel, car il engendre de grands risques pour la santé humaine et animale. Après la crise, nous devrons tirer les leçons et mettre en place un système alimentaire qui respecte les animaux, notre santé, et la nature : en gardant intacts les habitats des animaux sauvages, en élevant beaucoup moins d'animaux, dans des systèmes garantissant un bien-être animal élevé et respectueux de l’environnement et de la biodiversité. Les aides financières qui soutiennent actuellement des systèmes agricoles intensifs devront être supprimées. Les agriculteurs et éleveurs, à la sortie de cette crise, devront être correctement accompagnés pour passer à des systèmes d’élevage plus durables, respectueux des animaux, de notre santé, de la nature et plus résilients.
En tant que consommateurs, notre rôle pour favoriser l’émergence de ce nouveau modèle agricole et alimentaire est de réduire nos consommations de viandes œufs et produits laitiers, et de nous orienter vers des produits issus d’élevage locaux et respectueux du bien-être animal, de notre environnement, de notre santé et des éleveurs et éleveuses.
Léopoldine Charbonneaux
Directrice de CIWF France
Lire notre rapport "La prochaine pandémie est-elle cachée dans notre assiette ?"