10/01/2012
Auteur : Philip Lymbery, Directeur de CIWF International
Nous tenons les antibiotiques pour acquis. Nous nous fions à eux pour soigner des infections provoquées par des bactéries. Ils font partie des médicaments les plus fréquemment prescrits. Mais leur utilisation permet aussi à des bactéries résistantes de se développer. C'est pourquoi les antibiotiques ne devraient être prescrits que lorsqu'ils sont nécessaires. Comme la plupart des médicaments, voire tous, leur mauvaise utilisation a des conséquences importantes, mettant parfois même la vie en danger.
Prenons par exemple la prescription de faibles doses d'antibiotiques pour les animaux d'élevages intensifs. Ces médicaments ne servent pas à soigner des animaux malades précis, mais des populations entières de poulets ou de cochons. Les antibiotiques sont donnés de façon régulière du fait des conditions stressantes, insalubres, surpeuplées et confinées dans lesquelles ils vivent. Ils sont souvent utilisés physiologiquement jusqu'à leur limite afin d'augmenter la productivité. Pour résumer, les animaux d'élevages industriels présentent inévitablement un risque élevé d'infection.
Les antibiotiques sont donnés selon une démarche anticipée afin de prévenir et de contrôler les infections bactériennes. Si ces animaux ne vivaient pas dans des élevages industriels mais à l'extérieur dans des conditions humaines et durables, cette utilisation systématique d'antibiotiques ne serait pas nécessaire.
Le bien-être des animaux d'élevage et l'utilisation des antibiotiques est une question qui ne préoccupe pas seulement Compassion. Elle inquiète aussi nos amis de la Soil Association and Sustain, l'alliance pour une meilleure alimentation et un meilleur élevage.
Plus tôt dans l'année, j'ai écrit sur la façon dont nous nous sommes rassemblés pour former l'Alliance pour sauver nos antibiotiques. Ensemble, nous visons à faire cesser l'utilisation systématique d'antibiotiques chez les animaux d'élevage.
Aujourd'hui, je veux vous informer des dernières évolutions, notamment notre nouveau rapport, ‘Case Study of a Health Crisis’. (étude de cas d'une crise sanitaire)
Notre rapport montre que la sur-utilisation d'antibiotiques dans l'élevage industriel, en particulier à de faibles doses pendant plusieurs jours, contribue à l'énorme menace d'un monde sans soins efficaces pour les infections bactériennes. Nous démontrons que :
- Les animaux d'élevage sont un terrain propice aux souches résistantes aux antibiotiques de Salmonella, Campylobacter et E. coli ;
- Les animaux d'élevage abritent des souches de SARM résistantes aux antibiotiques qui pourraient devenir virulentes ;
et que l’utilisation d’antibiotiques a contribué à :
- la diminution de l'efficacité en médecine humaine d'antibiotiques d'importance cruciale, comme les céphalosporines.
L'avant-propos du rapport a été écrit par le professeur Christopher Butler, directeur de l'Institute of Primary Care and Public Health à l'université de Cardiff et doyen à la recherche à l'école de médecine. Il écrit que la difficulté est de « réserver les antibiotiques à ceux qui y trouveront un bénéfice clinique significatif et les écarter de ceux qui ne sont pas susceptibles d'en bénéficier ».
Il souhaite une action à l'échelle de l'UE pour réduire l'utilisation des antibiotiques non thérapeutiques chez les animaux d'élevage. Nous voulons un objectif de réduction de l'utilisation globale des antibiotiques dans les élevages de l'UE de 50 % d'ici 2015. Ceci devrait s'accompagner de contrôles spécifiques sur l'utilisation d'antibiotiques humains « d'importance cruciale ».
Pour être clair, nous sommes convaincus de l'utilisation d'antibiotiques pour soigner de véritables maladies chez les animaux d'élevage. Mais utiliser des antibiotiques comme mesure anticipée, comme un outil pour soutenir un système autrement malsain et insoutenable, est tout simplement inacceptable.
Ce rapport peut être téléchargé gratuitement. Veuillez visiter la page Menace sur la santé sur notre site Internet.
Le professeur Butler parle du besoin de « gestion des antibiotiques » afin de « préserver le précieux réservoir de sensibilité aux antibiotiques qui reste à l'humanité ».
Nous devons le faire d'urgence. Si nous ne le faisons pas, non seulement l'élevage industriel continuera à provoquer des souffrances inimaginables chez les animaux d'élevage, mais il menacera également l'avenir de nos antibiotiques et avec, notre propre santé et notre bien-être.