Plus de 30 millions de dindes sont élevées chaque année en France, dont une écrasante majorité en élevage intensif.
Production et consommation de dindes en France
En 2023, près de 31 millions de dindes ont été produites et abattues en France[1]. Cependant, la production française de dinde est en déclin, avec une baisse de 20 % sur les cinq dernières années[2]. Si la viande de volaille est devenue en 2024 la première viande consommée par les français, c’est uniquement due au poulet, qui a connu une croissance de 24,4% sur les 5 dernières années.
Côté consommation, les Français mangent en moyenne 3,9 kg de dinde par an et par habitant, soit 11,6 % de la consommation totale de volailles. La dinde est la deuxième volaille la plus produite et la plus consommée en France après le poulet, ce qui représente 15% de la production de volaille française. En effet, en France, presque 8 volailles consommées sur 10 sont des poulets[3].
Origine et comportements naturels de la dinde
Les dindes que nous connaissons aujourd'hui descendent d'une variété sauvage, originaire du Nord des Etats-Unis. Elles ont été ramenées en Europe par les Espagnols qui ont découvert ces animaux de compagnie favoris des Aztèques.
Les dindes sont des oiseaux curieux, capables de voler et de courir vite. A l'état sauvage, ces oiseaux vivent en groupe, expriment des comportements remarquables comme la parade nuptiale ou encore le répertoire vocal particulièrement vaste. Le soir, chaque individu se perche au même endroit, sur sa branche favorite.
Avant la seconde guerre mondiale, la dinde était considérée comme un plat luxueux, mais les élevages intensifs en ont fait un plat de volaille populaire.
L'élevage intensif de dindes
Aujourd’hui, 97 % des dindes en France sont élevées en systèmes intensifs, dans des bâtiments fermés surpeuplés de plus de 10 000 oiseaux, sans lumière naturelle et sans accès à l’extérieur. Ces élevages, contenant souvent plusieurs milliers d’oiseaux, présentent de nombreuses problématiques en termes de bien-être animal :
- Densité élevée : jusqu'à 8 dindes/m², limitant leur liberté de mouvement.
- Milieu pauvre et artificiel : absence de perchoirs et d’enrichissements pouvant leur permettre d'exprimer leurs comportements naturels, essentiels pour leur bien-être. Les seuls aménagements sont les lignes d’eau et d’alimentation ainsi que de la litière au sol.
- Croissance rapide : les dindes sont génétiquement sélectionnées pour atteindre un poids élevé en un minimum de temps, provoquant des troubles locomoteurs et des problèmes cardiovasculaires. Ces souches atteignent 11 kg en 4 mois, alors que leur équivalent sauvage pèse environ 3,5 kg[4]. En élevage « standard », ces dindes au plumage blanc sont abattues à 91 jours (pour les femelles) ou à 105 jours (pour les mâles). La croissance rapide entraîne une fragilité osseuse et musculaire, provoquant des boiteries, des douleurs articulaires et des malformations.
Aucune réglementation, française ou européenne, n'encadre les conditions de vie des dindes en élevage.
Cette extrême pauvreté du milieu et cette forte densité entraînent souvent du stress et de l’agressivité chez les dindes, se traduisant par des comportements anormaux, comme du picage et du cannibalisme qui provoquent des blessures voire la mort de nombreux animaux.
De plus, la litière en place, qui absorbe les déjections, devient rapidement saturée d’ammoniac, ce qui peut entraîner des brûlures aux pattes (pododermatites), des infections respiratoires et des inflammations cutanées.
Pour que les reproducteurs issus de souches à croissance rapide soient en bonne condition physique à l'âge de fertilité, leur nourriture est restreinte. Ces animaux souffrent de faim chronique.
Leur chair est commercialisée sans étiquetage spécifique, ou avec la mention « certification de conformité (CCP) ».

Surpeuplement
Les dindes confinées dans des bâtiments surpeuplés ne peuvent pas se déplacer librement ni changer de place pour éviter la chaleur ou la saleté.
La surpopulation et une mauvaise ventilation peuvent conduire à des températures élevées, ce qui provoque chez les oiseaux de l'inconfort et un stress thermique.
Pattes déformées
La croissance extrêmement rapide des dindes a de lourdes conséquences sur leur santé. En particulier, leur ossature et leurs articulations ne suivent pas la prise de masse musculaire excessive. Cela entraîne des douleurs chroniques, des boiteries et, dans certains cas, des fractures. Chez les mâles, dont la croissance est plus importante, ces troubles locomoteurs sont encore plus marqués. De plus, leur posture est modifiée par l'hypertrophie des muscles de la poitrine, ce qui perturbe leur équilibre et accentue la fatigue des animaux.
Ainsi les animaux passent plus de temps immobiles ce qui entraîne des problématiques de brûlure des pattes et des tarses (pododermatites). Ces problèmes de santé sont fréquents, ont un impact négatif sur le bien-être des animaux et engendrent des pertes économiques pour les éleveurs[5].
Reproduction naturelle impossible
A l'état sauvage, le dimorphisme sexuel (notamment la différence de poids et de taille entre le mâle et la femelle) des dindes est déjà très marqué. Les sélections génétiques actuelles ont accentué ce phénomène. Les mâles reproducteurs atteignent aujourd'hui des poids extrêmes et souffrent souvent de graves problèmes articulaires. Les dindons sont trop lourds pour s'accoupler naturellement et la fécondation se fait donc par insémination artificielle.
Propagation des maladies
Bien que des vaccins existent pour de nombreuses infections, le surpeuplement et les conditions de logement entraînent un stress important aux dindes, ce qui affaiblit le système immunitaire et augmente le risque de propagation des maladies infectieuses. Les différentes crises de la grippe aviaire en Europe et en France ont eu des effets dévastateurs sur l'industrie de l'élevage de la dinde.
Eclairage, agression et mutilations
Les hangars sont faiblement éclairés pour que les oiseaux soient moins actifs et ainsi réduire leur agressivité due aux mauvaises conditions d’élevage dans ces bâtiments sans enrichissement.
Les agressions et le problème du cannibalisme sont souvent contrôlés en débecquant ou épointant systématiquement les oiseaux, une opération réalisée sans anesthésie. Le bec est le principal « outil » de l'oiseau et est très innervé : cette ablation du bout du bec peut être très handicapant et, parfois même, peut provoquer des douleurs à chaque picorage. Certaines sont également dégriffées afin de réduire les risques de blessures liées aux agressions entre individus.
Elevages plein air et biologiques
Il existe des alternatives, qui offrent de bien meilleures conditions d'élevage pour les dindes.
Elevage plein air, Label Rouge et AOP Dindes de Bresse
Les dindes commercialisées sous l'appellation Label Rouge ou AOP Dindes de Bresse sont issues de souches rustiques à croissance lente. Ils ont accès à un parcours herbeux en journée (6 m² de parcours minimum par dinde, 20 m² pour les dindes AOP), qui doit être largement couvert par la végétation (et arboré pour le Label Rouge). Dans le cas du Label Rouge élevé en liberté, le parcours est illimité.
L'air libre et la lumière du jour permettent aux oiseaux d'avoir de meilleures conditions respiratoires et évitent des problèmes oculaires. A la nuit tombée, ils rentrent dans des bâtiments. La surface maximale de l’élevage est de 1600 m² avec un maximum de 2500 dindes par bâtiment (1 500 pour l'AOP). Les densités sont limitées, selon les stades de vie de la dinde :
- Maximum 10 dindes/m² jusqu’à 7 semaines (11 dindes/m² jusqu'à 10 semaines pour l'AOP),
- Puis 6,25 dindes/m² (6 dindes/m² pour l'AOP).
Le débecquage et le dégriffage sont interdits.
Le système plein air utilisant des espèces à croissance plus lente, les dindes souffrent moins de problèmes cardiaques et de boiteries, souvent causés par une génétique à croissance trop rapide.
Les dindes sont abattues à 140 jours minimum pour les dindes à rôtir, à 98 et 126 jours pour les dindes de découpe (respectivement pour les femelles et les mâles)[6].
La distance entre l'élevage et l'abattoir doit être inférieure à 100 km et ne pas excéder 2h de transport.
Elevage biologique
Les élevages Bio relèvent d'un cahier des charges proche de celui des dindes fermières Label Rouge. Les dindes ont également accès au plein air, ce qui leur permet d'avoir une meilleure qualité de vie. Les dindes bio bénéficient aussi parfois d’un parc herbeux étendu.
Les dindes disposent d'au moins 10m² d'espace extérieur chacune et la densité dans les bâtiments est limitée. La surface maximale de l’élevage est de 1600 m², avec 2500 dindes maximum par bâtiment. Souvent, des abris mobiles sont utilisés à l’intérieur des bâtiments et à l’extérieur, des arbres ou arbustes font office d’abris. Les aliments donnés aux dindes sont issus de l’agriculture biologique, dont 20% provenant de l’exploitation ou d'autres exploitations bio de la région.
L'âge d'abattage n'est pas limité, sauf si l'éleveur n'utilise pas de souches à croissance lente. Dans ce cas, les dindes doivent être abattues à 100 jours minimum.

Comparaison des modes d’élevage des dindes
Mode de production |
Dinde standard (intensif) |
Dinde Label Rouge | Dinde agriculture biologique |
Souche génétique | Croissance rapide | Croissance lente | Croissance lente |
Type d'élevage | En claustration, à forte densité et sans lumière naturelle | En plein air ou en liberté avec parcours arboré | En plein air sur un parcours conduit selon les principes de l'agriculture biologique |
Nombre de dindes | Pas de limite, jusqu'à 25 000 dindes dans un bâtiment | 2 500 dindes par bâtiment maximum | 2 500 dindes par bâtiment maximum |
Taille du bâtiment | Pas de norme | 1 600m² maximum | 1 600m² maximum |
Densité en bâtiment | Jusqu'à 8 à 10 dindes/m² | 6,25 dindes/m² | < 10 dindes/m² avec un maximum de 21kg de poids vif par m² (30kg/m² si les installations sont mobiles). |
Espace en plein air | Aucun | Accès parcours 6m² minimum/dinde. Illimité pour les dindes "liberté", dès leur huit semaines. Parcours aménagé avec au minimum 30 arbres ou arbustes. | Accès parcours 10m² minimum/dinde (2,5m² minimum par dinde en installation mobile) |
Âge d'abattage | 91 jours (femelles) et 105 jour (mâles) | 140 jours minimum pour les dindes entières (animaux destinés à la découpe : 98 jours pour les femelles et 126 jours pour les mâles). Le transport vers l'abattoir ne doit pas excéder 2h et 100km. | 140 jours minimum pour les dindes de souches festives entières (animaux destinés à la découpe : 101 jours pour les femelles et 126 jours pour les mâles). |
Débecquage | Autorisé | Interdit | Interdit |
Consommez responsable
Si vous achetez de la dinde, optez pour ces labels qui garantissent plus d’espace par animal et un accès au plein air :
- Biologique
- Label Rouge
- Plein air
- En liberté
- Fermier
Pour avoir la mention « fermier », une volaille doit être bio, Label Rouge ou AOC.
[1] Agreste, 2024 : La Statistique agricole annuelle (données 2023) : 30 819 000 dindes abattues en 2023 en France.
[2] & [3] ANVOL, dossier de presse février 2025 : La volaille devient la viande la plus consommée du pays : -19,4 % de production pour la dinde entre 2019 et 2024.
[4] & [5]Dossier bankiva : Les problèmes de bien-être des dindes en élevage.