Les fêtes de fin d’année marquent une hausse significative de la consommation de volailles en France. Cependant, derrière la tradition du chapon, de la poularde ou encore du foie gras, se cachent des pratiques d’élevage et de production intensives souvent méconnues, avec des impacts majeurs sur le bien-être animal, l’environnement et la santé humaine.
Les volailles : comportements et besoins naturels
Les volailles regroupent plusieurs espèces d’oiseaux domestiques, comme les poules, chapons, dindes, pintades, canards et oies… qui partagent des besoins comportementaux communs. Ce sont des animaux sociaux et actifs qui, dans des conditions naturelles, explorent leur environnement, grattent le sol, prennent des bains de poussière et établissent des hiérarchies sociales.
Pour s’épanouir, ces animaux ont besoin :
- De liberté de mouvement : pour battre des ailes ou courir sur de grandes distances, mais aussi pour interagir plus facilement avec les congénères
- D’un environnement riche : permettant de rechercher leur nourriture et d’interagir socialement.
- D’un environnement adapté : un sol adapté, évitant blessures et douleurs.
Ces comportements essentiels sont souvent impossibles dans les systèmes d’élevage intensifs.
L’élevage de volailles : production, consommation et problématiques
Production et consommation
La France est le premier pays consommateur de volailles dans l’Union européenne avec 29 kg de viande de volaille consommés par an et par habitant en 2023, dont 23,3 kg de poulet1, dont une grande partie importée des pays voisins. Cette consommation place la volaille comme la deuxième viande la plus consommée en France, après le porc (30,6 kg / hab), et la première au niveau mondial.
En France, 8 volailles sur 10 consommées sont des poulets (79,6 %) suivis par la dinde (12,8%), le canard (6%), et des espèces festives comme la pintade et autres (1,6%) (d’après l’ITAVI).
Problématiques Majeures
Bien-être animal
Dans les élevages intensifs, les volailles vivent dans des conditions de surpopulation extrême : jusqu’à 22 oiseaux par m² pour le poulet par exemple, les empêchant d’exprimer leurs comportements naturels.
Les chapons et poulardes subissent des mutilations (castration ou engraissement forcé) pour répondre aux exigences gustatives.
Les canards et oies gavés pour le foie gras sont enfermés dans des cages ou des parcs collectifs, rendant toute activité impossible.
Environnement et santé
L’élevage intensif contribue à la pollution des eaux par les nitrates et phosphates issus des déjections.
La dépendance importante au soja pour l’alimentation, souvent importé d’Amérique latine, entraîne une déforestation massive, aggravant le réchauffement climatique et menaçant les populations locales
L’utilisation d’antibiotiques dans les élevages intensifs contribue à l’apparition de bactéries résistantes, un problème majeur de santé publique.
Focus sur les volailles de fêtes : la souffrance derrière la tradition
Le chapon et la poularde : une tradition marquée par la douleur
Le chapon est un poulet (ou pintade) mâle castré avant d’avoir sa maturité sexuelle, dans le but d’obtenir une chair tendre et grasse. Sa production repose sur une mutilation brutale : la castration, effectuée sans anesthésie, qui provoque des douleurs intenses, des infections et un stress important pour les animaux. De plus, dans certaines exploitations, les crêtes et barbillons seraient également coupés à vif en cas d’échec de la castration. Cette pratique existe pour cacher de "faux-chapons", ce qui compromettrait sa commercialisation comme produit de qualité. Il s’agit d’une pratique visant à maximiser la rentabilité au détriment total du bien-être animal.
Les poulardes, quant à elles, sont de jeunes poules qui n’ont pas encore pondu ou qui ont été mutilées pour retirer leurs ovaires. L’objectif est le même que pour les chapons : rendre leur chair plus tendre et grasse.
En élevage standard, les chapons et les poulardes sont confinés en permanence en bâtiment à forte densité, sans accès à l’extérieur. Même dans les systèmes Label Rouge, les animaux subissent la même mutilation sans anesthésie et une phase d’engraissement dans des bâtiments fermés pendant deux à quatre semaines, juste avant l’abattage.
Dans les élevages « de Bresse », la situation est encore plus critique : les chapons et poulardes passent la période de finition dans des cages à très haute densité, appelées "épinettes", où ils sont obligatoirement dégriffés, une mutilation supplémentaire imposée par le cahier des charges lui-même (2).
Quel que soit le mode de production, ces conditions ignorent totalement le bien-être animal.
CIWF recommande de ne pas acheter de chapons ni de poulardes, et d’opter pour des alternatives respectueuses du vivant.
Canards et oies : foie gras et gavages forcés
Le foie gras, produit phare des fêtes, repose sur une pratique brutale et controversée : le gavage. Cette méthode consiste à enfoncer un tube métallique (embuc) de 20 à 30 centimètres dans l’œsophage des canards ou des oies pour leur administrer, deux fois par jour, de grandes quantités de nourriture. À chaque gavage, jusqu’à 450 g de maïs sont injectés en quelques secondes, provoquant une hypertrophie massive du foie, qui atteint dix fois sa taille normale. Cette croissance, appelée stéatose hépatique, rend les animaux malades, leur causant des halètements, des diarrhées, et des difficultés à respirer ou à se déplacer. Le gavage est une pratique violente qui provoque fréquemment des lésions dans l’œsophage, des candidoses, et parfois des perforations mortelles.
À cela s’ajoutent les mutilations systématiques : les oisillons sont épointés et dégriffés, et généralement seuls les mâles sont conservés, car les foies des femelles sont jugés moins qualitatifs (plus petits et innervés). En conséquence, des millions de canetons femelles sont éliminés chaque année par broyage ou gazage.
En 2023, la France a gavé plus de 18 millions de canards et 78 000 oies, représentant environ 60 % de la production mondiale de foie gras. Bien que cette pratique soit explicitement interdite par la Directive européenne 98/58/CE, qui stipule que « Aucun animal n’est alimenté ou abreuvé de telle sorte qu’il en résulte des souffrances ou des dommages inutiles », la France, ainsi que la Hongrie, la Bulgarie et l’Espagne, bénéficie d’une dérogation permettant de maintenir le gavage.
Par ailleurs, la législation française impose des critères précis pour l’appellation "foie gras" : un foie de canard doit peser au moins 300 g et celui d’une oie 400 g. Ces standards rendent le gavage obligatoire, excluant toute possibilité d’alternative réellement éthique, comme le foie produit sans gavage, qui ne peut légalement recevoir la dénomination « foie gras ». Cela pose des obstacles majeurs à sa reconnaissance par les consommateurs et limite sa valorisation sur le marché. Cette contrainte légale perpétue une pratique incompatible avec les principes fondamentaux du bien-être animal et freine le développement de solutions plus respectueuses.
La production de foie gras est emblématique d’une industrie qui ignore délibérément les souffrances animales.
CIWF encourage à ne pas acheter de foie gras, ni le magret et le confit de canard (qui sont issus de l’industrie du gavage) et à privilégier des alternatives éthiques, comme les produits sans gavage ou végétaux. Repensez vos repas festifs pour allier tradition et respect du vivant.
Dinde et pintade : derrière l’incontournable
Les dindes et pintades figurent parmi les volailles les plus consommées en France, (les dindes sont les deuxièmes volailles les plus consommées de France après le poulet), et sont généralement des incontournables de fêtes de fin d’année. En 2023, 30 millions de dindes et 18 millions de pintades ont été produites, en très grande majorité dans des systèmes intensifs (85% pour les dindes et 98,5% pour les pintades). Les volailles en élevage intensif sont élevées dans des bâtiments surpeuplés, sans accès à l’extérieur, où elles vivent à des densités élevées qui rendent impossible tout comportement naturel.
Les dindes et pintades élevées sous les labels Agriculture Biologique, Label Rouge, ou portant la mention "fermier élevé en plein air", bénéficient de meilleures conditions d’élevage :
- Densités réduites, permettant plus de liberté de mouvement.
- Accès à un parcours extérieur, essentiel pour leur bien-être.
- Une alimentation plus naturelle
CIWF recommande de privilégier ces labels ou la mention "fermier élevé en plein air" pour limiter les souffrances animales en garantissant une qualité de vie supérieure aux volailles.
S’engager pour des fêtes plus responsables
Face à ces réalités, CIWF encourage une réduction de la consommation de volailles festives et la recherche d’alternatives éthiques :
- Privilégier les labels bio ou Label Rouge, qui garantissent des conditions d’élevage plus respectueuses du bien-être animal.
- Explorer des alternatives végétales pour remplacer le foie gras et autres produits issus de pratiques intensives.
- Participer au défi "Arrêtons d’en faire des tonnes" pour réfléchir à l’impact de vos choix alimentaires et découvrir des solutions pour des fêtes plus éthiques.
Ensemble, nous pouvons réduire les souffrances animales tout en limitant l’impact environnemental de nos consommations festives. Relevez le défi et transformez vos traditions en opportunités de changement positif !
(1) Agreste – synthèses conjoncturelles consommation viande. Disponible en ligne : https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/SynCsm24424/consyn424202406-ConsoViande_V2.pdf
(2) Cahier des charges de l'appellation d'origine « Volaille de Bresse » ou « Poulet de Bresse » ou « Poularde de Bresse » ou « Chapon de Bresse » : https://info.agriculture.gouv.fr/boagri/document_administratif-20e76e4e-2a4c-42ba-829e-0854a6194e5e/telechargement