La loupe

L’avenir des filières viandes françaises sous tension : une transition inévitable ?

News Section Icon Publié 26/08/2024

Le rapport récemment publié par l'IDDRI, l’AScA, le BASIC, I4CE et Solagro met en lumière les profondes tensions qui traversent les filières animales françaises. À l'horizon 2035, ce document prospectif dévoile un scénario tendanciel qui révèle non seulement les défis actuels du secteur, mais aussi les risques environnementaux, économiques et sociaux qui pèsent sur l'avenir de l'élevage en France. 

Le 9 juillet 2024, CIWF France a eu le plaisir d'assister à la conférence organisée par l'Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI), intitulée "De l’éleveur au consommateur : quels enjeux pour les filières de la viande en France ?". Cet événement marquait la publication du rapport intitulé "Des filières viandes françaises sous tension : entre pressions compétitives et accès à la biomasse", co-écrit par l'IDDRI, Solagro, l’AScA et le BASIC. Ce document offre une analyse exhaustive des enjeux qui préoccupent les filières viandes françaises, soulignant l'urgence d'une transition vers des pratiques plus durables. Issu de plusieurs années d’étude et de consultations (de 2020 à 2022) avec les interprofessions (ANVOL, INAPORC, INTERBEV) et les instituts techniques (ITAVI, IFIP, IDELE), ce rapport propose une analyse approfondie des dynamiques actuelles et envisage un scénario à l'horizon 2035.  

Le rapport explore les conséquences d’un scénario tendanciel à l’horizon 2035, en partant du principe que les crises successives des années 2020 ne perturbent pas la tendance de fond du secteur. Ce scénario envisage une demande mondiale de viande en constante augmentation, un soutien public « renationalisé » pour les filières, et une compétition féroce entre les États membres pour fournir des aliments à bas coût. Toutefois, en 2035, les conséquences pour la France sont lourdes : la consommation reste stable en volume, mais se concentre de plus en plus sur le poulet, tandis que la déconnexion entre les zones de production et de consommation se creuse. 

Une réduction drastique du nombre d’exploitations pour une production (partiellement) stable 

Face à la pression concurrentielle et sans intervention majeure, le secteur de l'élevage français subit une restructuration massive pour rester compétitif. En quinze ans, le nombre de fermes diminue d'un tiers dans chaque filière. Cette baisse s'accompagne d'une concentration des exploitations restantes (notamment dans le grand-ouest), qui deviennent plus grandes et plus intensives, absorbant les terres et les ressources des fermes disparues. 

Malgré la réduction du nombre d'exploitations dans chaque secteur, la production globale de viande de volaille reste stable grâce à des gains de productivité (qui résulte d’une hausse de la production et d’efficience de poulet et d’une baisse des autres volailles) notamment porté par le poulet. Toutefois, la situation est différente pour la viande bovine et porcine. La production de viande bovine chute de 20 %, principalement à cause de la réduction des cheptels et de la stagnation des gains de productivité. Pour le porc, la production recule de 6,5 %, les gains de productivité n’arrivant pas à compenser entièrement les difficultés de reprise.  

La restructuration du secteur entraîne une réduction marquée du nombre de sites d'abattage et de découpe, avec des diminutions allant de 11 % à 23 % selon la filière. La concentration de la production dans des régions comme le Grand Ouest, vise à rationaliser les coûts mais se traduit par des pertes d'emplois significatives : 7 % dans la volaille, 17 % dans le porc, et 26 % dans le bovin. 

Cette réorganisation s'accompagne également d'une spécialisation régionale, où certaines zones se focalisent sur des filières spécifiques. Ce phénomène accentue les disparités économiques et sociales entre les régions, tout en amplifiant les déséquilibres entre l'offre et la demande dans le secteur de l'élevage français. 

Une amplification du décrochage offre-demande à 2035 

Malgré la baisse de la production, la consommation de viande en France reste globalement stable, ce qui crée un déséquilibre croissant entre l'offre et la demande. Dans les filières porcine et bovine, la contraction de l'offre est plus rapide que celle de la demande. La production porcine, qui était légèrement excédentaire (102-103 %), devient déficitaire (98 %), tandis que le déficit de la production bovine s'accentue, passant de 95 % à 80 %. Dans le secteur de la volaille, bien que la production globale reste stable grâce à l'augmentation de la production de poulet, elle ne parvient pas à suivre la hausse continue de la consommation, ce qui creuse le déficit de 92 % à 84 %. 

Ce décrochage entre l'offre et la demande est symptomatique des dynamiques contrastées entre les différentes filières, exacerbées par les politiques publiques actuelles et la compétition accrue sur le marché européen. À l'horizon 2035, ces dynamiques devraient conduire à une chute du taux de couverture de la demande nationale, qui passerait de 97 % aujourd'hui à 88 %, accentuant les tensions sur le marché intérieur et soulignant l'urgence de repenser notre modèle de production et de consommation de viande en France 

Impact sur l’environnement  

La restructuration des filières animales n’est pas sans conséquence pour l’environnement : l’intensification des cultures pour l'alimentation animale, nécessitant un recours accru aux engrais de synthèse, pesticides et irrigation, pourrait exacerber la pollution des eaux, la perte de biodiversité et le déstockage de carbone. La situation est encore plus critique dans le Grand Ouest, où la concentration d’élevages maintient une pression azotée excessive, malgré une légère amélioration de l’efficience alimentaire des animaux. Bien que les émissions nationales de gaz à effet de serre liées à l’élevage devraient diminuer de 15 %, grâce à la réduction du cheptel bovin et à l'amélioration de l'efficience des systèmes d'élevage, cette baisse pourrait être largement contrebalancée par les émissions importées sous forme de produits carnés, limitant la réduction globale à seulement 3 %. 

Un appel à une transformation urgente  

Pour CIWF France, les prévisions du rapport publié par l’IDDRI sont alarmantes et soulignent l'urgence d'une transition vers des pratiques agricoles plus durables, respectueuses de l'environnement et du bien-être animal. Le statu quo n'est plus tenable : à l'horizon 2035, la déconnexion croissante entre l'offre et la demande, l'intensification agricole, et la concentration excessive des élevages posent des risques majeurs pour l'environnement, la santé publique, et les animaux. 

Il est impératif de repenser en profondeur notre modèle de production et de consommation pour garantir un avenir viable à l'élevage en France, tout en répondant aux défis environnementaux et sociétaux actuels. CIWF France appelle à une réflexion collective et à une transformation des pratiques, où la compétitivité ne se ferait plus au détriment du climat, des écosystèmes, et du bien-être animal. Il est temps d'adopter des modèles de production et de consommation plus responsables et durables, alignés sur les attentes croissantes des consommateurs pour des produits plus éthiques et respectueux de l'environnement. 

Globe

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