La loupe

Un recul indigne pour l’élevage français

News Section Icon Publié 21/06/2024

Un discret décret, pris le 10 juin, au lendemain de l’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale, par le ministre de la transition écologique Christophe Béchu, facilite l’essor des élevages les plus intensifs en porcs et volailles. Il augmente la taille des élevages pouvant échapper à l’évaluation environnementale obligatoire des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Un grave recul, décidé contre l’avis de plus de 99% des consultés qui, associé à un effondrement de la production de volaille plein air, accentue la pente de l’industrialisation de l’élevage français. A qui profite ce recul ? Nullement aux éleveurs, ni à l’environnement et certainement pas aux animaux… 

Un discret décret qui simplifie l'industrialisation 

Le 10 juin 2024, lendemain des élections européennes et de l’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale, le ministre de la transition écologique Christophe Béchu, a discrètement signé un décret dont les conséquences sont pourtant majeures pour l’élevage de volailles et de porcs en France : sous couvert de “simplification”, ce décret augmente les seuils à partir desquels les exploitations agricoles doivent effectuer une évaluation environnementale, actuellement préalable à toute demande d’autorisation d’exploiter pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).  

Ainsi, les seuils à partir desquels les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) doivent réaliser une évaluation environnementale préalable, de façon systématique, ont été modifiés comme suit :  

- ils passent de 40 000 à 85 000 emplacements pour les élevages de poulets et 60 000 emplacements pour les poules pondeuses – soit plus du double du seuil actuel ! 

- ils passent de 2 000 à 3 000 emplacements pour les porcs à l’engraissement, 

- ils passent de 750 à 900 emplacements pour les truies. 

Un décret pris malgré 99,87% d'avis défavorables 

Ce décret a été pris contre les 14 841 avis défavorables (contre seulement 20 avis favorables !) de la consultation préalable qui s’est déroulée en mars et contre l’avis du le Conseil général au développement durable (CGDD). 99,87 % des participants se sont opposés à ce décret. 

 Cette évolution est massive : la moitié des exploitations qui ont dû se soumettre à évaluation à ce jour en auraient été dispensées, malgré les incidences sur l’environnement qu’elles peuvent engendrer. Et cela va faciliter le déploiement de centaines d’installations nouvelles ou rénovées, sans aucune condition relative à l’amélioration du bien-être animal.  

Selon Greenpeace, 3 010 installations d’élevage sont actuellement concernées par l’évaluation environnementale obligatoire, soit environ 3% des fermes d’élevage en France qui concentrent environ 60% des animaux d’élevage. 

Un désastre pour les filières alternatives, les animaux et la planète

Au-delà des impacts sur les animaux d’installations gigantesques, sans accès au plein air et dont les autorisations ne sont conditionnées à aucune obligation d’amélioration du bien-être animal, ces installations peuvent avoir de multiples conséquences désastreuses : pollution de l’eau, de l’air, risques sanitaires pour les riverains et les animaux, perte d’autonomie des éleveurs et éleveuses qui s’endettent et se rendent dépendants d’une alimentation animale en grande partie importée. 

Pour Agathe Gignoux, responsable des affaires publiques de CIWF France

C’est un grave recul, décidé unilatéralement par le gouvernement, en pleine crise politique et contre l’avis de 99% des personnes ayant répondu à la consultation publique préalable. Encore une fois, le gouvernement encourage l’industrialisation de l’élevage en France, et abandonne les filières alternatives, et la valeur dont elles sont porteuses, à une niche de plus en plus petite. Qui sera gagnant de cette stratégie ? 

Cela réduit ainsi encore un peu plus les contrôles des agrandissements et la standardisation de nos filières porc et volaille, pour l’intérêt de l’agroalimentaire, au détriment des éleveurs et du bien -être animal. 

A côté de cela, aucune mesure n’est prise pour soutenir les filières plein air et bio, qui peinent à se maintenir en France ; Les chiffres sont alarmants : en France, 14% des poulets sont produits en plein air, en net recul depuis 2020 (18%) et montrant des reculs très importants dans les mises en place en bio : de -9% au premier semestre 2023 par rapport au 1er semestre 2022, et de -36% par rapport au premier semestre 2021 (Agridée, 2024).  

La part des poulets standards, elle, progresse et représente 72% de la production en 2023, contre 67% en 2021. En porc, l’élevage biologique représente 0,5% de la production française, encore en recul depuis 2021. 

La France accentue la pente de l’industrialisation de son élevage et n’engage aucun travail sur la consommation des produits issus d’élevage, sujet absent du Plan de reconquête et de souveraineté de l’élevage annoncé par le ministre de l’Agriculture en février dernier pour lutter contre la décapitalisation de l’élevage en France.  

Ces évolutions ne sont pas favorables à l’attractivité des métiers agricoles, pourtant essentiels au renouvellement des actifs agricoles pour garantir la souveraineté alimentaire en France. 61% des jeunes en formation initiale agricole estiment que le bien-être animal est critère de choix du futur métier*. 

Pourtant, une autre voie est possible !

Pour CIWF, il est possible de mieux cibler l’accompagnement vers des pratiques d’élevage les plus durables, qui sont celles qui souffrent aujourd’hui le plus des difficultés qui touchent le monde agricole, et ainsi maintenir la valeur ajoutée pour les productions d’élevage en France et la souveraineté alimentaire de la France.  

Au lieu d’industrialiser une production qui restera peu compétitive face aux importations à bas coût, il faut :

  1. prioriser les bonnes pratiques lors des installations en élevage
  2. protéger les productions les plus durables
  3. réduire les concurrences déloyales qu’elles subissent de la part des productions « moins disantes  »
  4. agir sur le rééquilibrage de la consommation entres protéines végétales et protéines animales issues d’élevages vertueux.

Ces leviers d’actions sont indispensables pour maintenir la souveraineté alimentaire de la France. 

Ce décret fait tout l’inverse et il détruit les maigres acquis dont la France pouvait se targuer pour valoriser ses productions animales.  

 

*Enquête Chambre Régionale d’Agriculture Bretagne, 2022   

Globe

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