Dimanche 25 février, en réponse au mouvement de colère des agriculteurs, au lendemain de l’inauguration (chahutée) du Salon de l’Agriculture, le ministère de l’Agriculture a dévoilé les principales mesures de son plan de reconquête de souveraineté sur l’élevage. Le gouvernement démontre avec ce plan qu’il s’obstine à prendre parti pour un élevage productiviste, spécialisé et dépendant. Il vole au secours des élevages les moins durables. Un sauvetage opportuniste en opposition avec les véritables enjeux : un réel plan de transition vers un élevage plus durable est nécessaire pour renouveler les générations et sortir durablement l’élevage et les éleveurs de l’impasse. Les élections européennes et la prochaine PAC constituent les prochaines opportunités immanquables d’engager cette nécessaire et urgente transition.
Ce gouvernement qui fait salon
Dimanche 25 février, en réponse au mouvement de colère des agriculteurs débuté il y a plus d’un mois, et au lendemain de l’ouverture de Salon de l’Agriculture dont l’inauguration a été chahutée par des heurts autour de la venue d'Emmanuel Macron, le ministère de l’Agriculture a dévoilé les principales mesures de son plan renforcé intitulé “plan gouvernemental de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage”.
L'ambition principale affichée par ce plan se résume en une phrase : “produire ce que nous consommons”. Sous couvert d’un discours souverainiste, cette affirmation est en réalité extrêmement démagogique : si ce que nous consommons est à des niveaux de prix très bas, comme c’est le cas actuellement pour le poulet importé, nous n’aurons pas les capacités de le produire en termes de niveaux de prix et donc de rémunération des éleveurs – nous importons des produits animaux moins chers que ceux que nous produisons en France. Sans faire évoluer nos modes d'alimentation vers le moins et mieux, cette ambition est irréaliste.
Il est indispensable d’adosser aux mesures relatives à la production des mesures touchant la consommation. Le corolaire à l’ambition gouvernementale doit donc être : “ne pas consommer ce que nous ne produisons pas.”
Pour tenter de calmer la grogne et de "simplifier” les démarches des nouveaux installés, le gouvernement s’attaque aux normes environnementales. Pourtant, sur le terrain la majorité des agriculteurs comprennent et vivent l’urgence de la transition pour défendre leurs terres et leurs métiers. Ils savent que la nier coûte cher et cela fait précisément partie du problème.
Une des reculades les plus flagrantes de ce plan consiste à revenir sur les seuils des installations classées pour la protection de l’environnement par décret. Si le décret est validé en l'état, les seuils d'évaluation systématique passeront :
- de 40.000 à 85.000 volailles,
- de 2.000 à 3.000 porcs en engraissement,
- de 750 à 900 truies.
Il est incompréhensible et inacceptable que le gouvernement présente cette régression comme un levier d’attractivité du métier d’éleveur. Le fait d'élever les seuils va nécessairement favoriser la concentration des élevages. Les aspirations des repreneurs et nouveaux installés en élevage vont plutôt vers des élevages vertueux et à taille humaine. Il fait peu de doute que, même en s’alignant sur la taille des bâtiments, les élevages Français seront difficilement compétitifs avec des pays tels que la Pologne où les coûts de main d'œuvre sont moindres.
Un des autres axes du plan consiste à communiquer sur les externalités positives de l’élevage. Nous sommes en droit d’attendre des pouvoirs publics une analyse objective des externalités positives et négatives de l’élevage conduisant à maximiser les pratiques positives et à enrayer les pratiques négatives. Or les systèmes intensifs d’élevage non seulement ont des impacts négatifs, mais ils concurrencent les pratiques les plus positives d’élevage. Nous regrettons qu’à ce stade, rien dans le plan du gouvernement ne permette d’enrayer la tendance à l’agrandissement des fermes au détriment des pratiques vertueuses comme le pâturage en élevage de ruminants, et au détriment des élevages biologiques ou label des filières monogastriques, laissées à l’abandon.
Nous demandons au gouvernement d’intégrer le bien-être animal dans le plan de transformation de l’élevage français comme faisant partie intégrante des solutions (et externalité positive) pour répondre à la crise agricole mais également de développer un axe sur la consommation afin de rééquilibrer l’assiette des français vers des produits d’élevage plus respectueux du bien-être animal.
Cap ou pas cap ?
Le modèle d’élevage dominant actuel n'est pas viable, il faut définir un cap clair et s'y tenir : les transitions sont nécessaires et il faut les accompagner. Comme nous l’avons vu lors de notre conférence trans-partisane « L’avenir de l’élevage, au-delà des clivages » qui a rassemblé en décembre dernier parlementaires et acteurs du secteur, des solutions consensuelles émergent :
- Il faut une action sur la consommation au moins aussi importante que sur la production, par l’ensemble de l’environnement alimentaire, y compris la restauration hors domicile
- Il faut assumer le nécessaire rééquilibrage de l’assiette des Français entre les protéines végétales et les protéines issues de l’élevage, afin de réduire la surconsommation de viandes à bas coûts, comme le poulet, en grande partie importé.
- Il faut permettre la transparence des prix afin que les marges soient mieux réparties entre les acteurs de la chaine alimentaire et améliorer les revenus des producteurs
- Il faut réorienter les fonds publics qui peuvent pour partie rémunérer les pratiques favorables au bien-être animal et à l’environnement, mal rémunérées par le marché, et pourtant indispensables à la résilience des systèmes agricoles (modèle des paiements pour services environnementaux).
- Il faut fixer un cap clair pour l’élevage, et anticiper les évolutions inéluctables, par exemple en s’alignant avec le changement à venir au niveau européen en proposant en France un véritable plan de sortie des cages (à l’instar de l’Allemagne)
Au lieu de rivaliser sur la productivité, l’avenir serait plutôt la recherche de valeur ajoutée et de qualité sur le maillon production, au stade de l’éleveur.
L’agriculture intensive, dépendante des importations pour l’alimentation animale ou les engrais, ne répond pas davantage à l’enjeu de souveraineté alimentaire.
Les élections européennes constituent une des prochaines opportunités immanquables d'engager cette nécessaire transition. Avec 26 autres organisations, nous exhortons les candidats français aux élections européennes à s’engager en faveur de la condition animale et à soutenir des solutions fortes pour l’élevage de demain, dans le cadre d’un manifeste porté dans toute l’Union européenne.
Nos demandes incluent des demandes sur la PAC – il faut réorienter les fonds publics vers l'accompagnement de la transition incluant le bien-être animal comme des écorégimes rémunérant les bonnes pratiques d’élevage ou des contrats accompagnant les éleveurs en transition.