Nous avons eu la chance d'échanger avec Antoine, qui nous a ouvert les portes de la ferme du Domaine du Possible, à Arles. Elever, dans la même ferme, poulets de chair et poules pondeuses, et ce, en pâturage tournant, avec éclosion et abattage à la ferme... c'est possible ! On vous dit tout...
2 minutes qui donnent le sourire
Une génétique de souches "duales"
L’atelier comprend des poules pondeuses et des poulets de chair. Tous les animaux sont issus de la même génétique. En effet, ce sont des souches génétiques sont dites « duales », c’est-à-dire qu’elles peuvent servir aussi bien pour la production d’œufs que pour la production de viande.
Les mâles issus de l’éclosion des poules pondeuses rejoignent le cheptel de poulets de chair afin d’y être engraissés. Cela permet donc de s’affranchir de l’élimination des poussins mâles.
Les souches génétiques qui sont utilisées sont des souches très rustiques. Il y a un total de 7 souches génétiques présentes sur la ferme : Barbezieux, Marans, Gauloises Dorées, Sussex, la Flèche, le Mans et la Coucou de rennes.
Ces souches génétiques sont de plus en plus rares, malgré leur potentiel intéressant en termes de résilience aux différents systèmes et leurs résistances face aux maladies.
L’éleveur soulève une réelle difficulté à s’approvisionner en poules de race rustiques et déplore une perte de la diversité génétique en France depuis ces dernières années.
Actuellement, toutes les poules présentes sur la ferme sont nées et ont été sélectionnées directement à la ferme.
Les souches génétiques ont été élevées à la fois en race pure afin de préserver les caractéristiques des volailles, et à la fois dans un troupeau appelé «population», en mélangeant toutes les souches génétiques.
Ces croisements génétiques ont permis :
- d'augmenter les aptitudes de résilience des animaux face à des challenges.
- des taux d’éclosions intéressants, ce qui facilite la gestion des troupeaux.
Les poules pondeuses commencent à pondre à l’âge de 6 mois environ et vont ensuite avoir une carrière de poule pondeuse durant 2 ans sur l’exploitation avant d’être abattues à environ 2 ans et demi.
Les poulets de chair restent environ 200 jours en élevage avant d’être abattus. Cela représente plus du double du temps que passe les poulets de chair en Label Rouge ou en Agriculture Biologique, qui sont abattus à 84 jours de vie minimum, avec une moyenne à 90 jours de vie. Et cela représente presque 6 fois plus de temps que pour un poulet de chair à croissance rapide en élevage conventionnel, qui sont abattus sur la ferme à 35 jours de vie. Le poids des poulets prêts à consommés est en moyenne à 2,5kg avec certains poulets à 3,2kg, ce qui représente des gros poulets en moyenne pour le consommateur.
Même si la production est faible, ce modèle fonctionne :
- Les faibles charges permettent de compenser le petit niveau de production des animaux. Il y a très peu d’intrants.
- Les poulets de chair ont besoin de beaucoup de temps pour grandir, les clients sont avertis et disent que la qualité organoleptique de ces animaux est « incomparable » avec les autres poulets de chair achetés dans le commerce.
- Lors de l’achat de leurs œufs, les consommateurs sont très attentifs au mode de vie des poules pondeuses, et semblent satisfaits de ce modèle d’élevage.
Des coqs dans la basse-cour
Sur la ferme, il y a continuellement des coqs parmi les poules pondeuses afin d’assurer la reproduction et permettre le renouvellement des lots de poules pondeuses et de poulets de chair.
Un coq a toute sa place dans un élevage, il va indiquer aux poules lorsqu’il trouve la nourriture, il va les protéger et il va les cocher, ce qui est tout à fait naturel
Antoine
En plus d’assurer la reproduction, il est démontré que les coqs présents parmi un troupeau de poules pondeuses permettraient de stimuler la ponte des œufs, donc cette démarche s’inscrit vraiment dans une stratégie de production rentable.
La présence de coqs permet également un meilleur niveau de bien-être car il permet d’élargir le répertoire comportemental des oiseaux, avec l’ajout de comportements reproducteurs, et permet également de diminuer les comportements agonistiques entre les poules.
Un lieu de vie privilégié
Logement en cabanes mobiles
Toutes les volailles de la ferme sont logées dans des cabanes mobiles de 10m2 chacune. Les poules pondeuses sont réparties par groupe de 60, ainsi, les poules disposent d’un mètre carré pour 6 poules.
Les poulets disposent quant à eux d’un mètre carré pour 9 animaux étant donné qu’il sont répartis par groupes de 90 poulets dans 8 cabanes mobiles différentes.
Ces densités sont conformes aux densités définies dans le cahier des charges Agriculture Biologique.
Dans les cabanes mobiles, de la paille ou du broyat de bois servent de litière.
Les poules pondeuses et poulets de chair ont accès à des perchoirs installés dans les cabanes mobiles.
2 parcours extérieurs
- Un parcours “interne” de 3200m2, sous une grande serre demi-ombrée couverte de panneaux photovoltaïques. Il s’agit d’un espace clos sur les côtés mais également au-dessus, de type volière tout en laissant l’air libre circuler. Ce parcours présente plusieurs avantages :
o Il peut permettre d’empêcher les liens avec la faune sauvage, ce qui représente donc un avantage en cas de confinement obligatoire pour des raisons de biosécurité liées à la grippe aviaire par exemple.
o Il y a un système d’irrigation intégré à la serre permettant une meilleure pousse de l’herbe
o Le parcours est segmenté en différentes parcelles permettant d’effectuer du pâturage tournant en déplaçant les cabanes mobiles. Les cabanes mobiles sont déplacées toutes les 2 à 4 semaines pour permettre à l’herbe de se régénérer au moment de la rotation. - Un parcours « extérieur » d’environ 3200m2. Il s’agit d’une pré-forêt « un peu plus sauvage », là où les poules vont pouvoir exprimer encore plus leurs comportements naturels en ayant la possibilité de se cacher et de se percher dans les arbres par exemple.
Les animaux ont un espace plus important que dans les élevages commerciaux classiques car chaque poule bénéficie de 16m2 à l’année, et ce même en période de grippe aviaire grâce au parcours sous les panneaux photovoltaïques.
Cet espace favorise le comportement d’exploration des poules (sinon elles ont tendance à rediriger leurs comportements d’exploration sur les autres congénères et à exprimer des comportements de piquage) et permet que l’herbe sous les serres photovoltaïques ne soit pas surpâturée.
Naissance et abattage à la ferme
Sur la ferme du Domaine du Possible, toutes les volailles sont nées et sont abattues à la ferme. Les animaux n’auront jamais subi de transport durant leur vie et cela limite le stress et les souffrances que cela occasionne.
En effet, effectuer la naissance des animaux à la ferme permet d’éviter aux poussins tout stress liés au transport, aux manipulations, à l’absence d’eau et d’alimentation durant les premières heures de vie.
Les poulets de chair qui naissent directement à la ferme présentent de meilleurs taux de survie et ont une meilleure résistance aux maladies, même dans les systèmes standards.
Dans la majorité des élevages commerciaux en France, les poussins naissent dans des couvoirs. Dans ces couvoirs, l’éclosion des poussins de type chair commence vers 19 jours d'incubation. Le temps séparant le premier poussin du dernier poussin éclos peut varier entre 24 et 36 h. Une fois tous les œufs éclos, les poussins sont triés, parfois sexés et vaccinés, puis placés en caissettes puis transportés dans les élevages. Durant toutes ces étapes, les poussins n’ont pas accès à de l’eau et à de l’alimentation. En considérant toutes ces étapes, certains poussins peuvent attendre jusqu'à plus de 72 heures avant de pouvoir s’abreuver et s’alimenter, ce qui cause des troubles du développement de leurs organes, de l’immunité, de capacité de thermorégulation. De plus, le transport et les manipulations ajoutent un stress supplémentaire aux animaux, sans oublier les risques liés aux changements d’environnement et changements de températures brutaux potentiels.
Ainsi, faire naître les poussins directement à la ferme permet un meilleur bien-être et une meilleure santé aux animaux et facilite le démarrage des lots pour les éleveurs. De plus, cette pratique est aussi très valorisante pour eux.
C’était un super moment de voir l’éclosion des poussins, les voir sortir de la coquille, se débrouiller, piailler, on se sent vraiment impliqué dans la vie de nos animaux.
Antoine
Un autre avantage de la naissance à la ferme au sein du Domaine du Possible est que toutes les races se brassent entre elles, ainsi, la diversité génétique est telle que la vigueur des animaux en est améliorée.
Il y a en moyenne 92% d’éclosion, après écart des œufs clairs. Après l’éclosion, les poussins sont placés dans les cabanes mobiles et sont chauffés avec un radiant au gaz.
Les animaux sont abattus à la ferme, dans l’unité d’abattage équipée d’un dispositif d’électronarcose pour étourdir au préalable les animaux.
Les animaux sont abattus uniquement sur commandes afin de ne pas avoir de stock de produits périssables sur l’exploitation.
En moyenne, les sessions d’abattage se déroulent en moyenne toutes les 2 semaines à raison de 30 animaux abattus par session.
Le fait d’abattre les animaux à la ferme permet de sensibiliser les visiteurs, les clients ou les curieux de la ferme sur la mort des animaux mais aussi sur les transports obligatoires dans d’autres productions. Ce sujet est également abordé ouvertement auprès des enfants de l’école attenante à la ferme lorsque les élèves viennent découvrir l’atelier volailles.
Une production plus respectueuse de l’environnement
- Au sein du Domaine du Possible, les employés sont également sensibles à la cause environnementale et mettent en place des mesures leur permettant de limiter leur impact environnemental.
- Il n’y a pas de transport d’animaux vivant, toutes les volailles sont nées et sont abattues directement à la ferme.
- Les ventes sont réalisées en vente directe, pas de transports des produits
- La majorité des aliments de volailles sont produits et transformés directement sur l’exploitation
- Le pâturage tournant grâce aux cabanes mobiles permet de laisser les parcelles se régénérer et d’éviter le surpâturage
- Moins d’intrant : l’éleveur pratique beaucoup de prévention des maladies grâce à des huiles essentielles, il n’a jamais eu recours à des traitements antibiotiques
- La gestion maitrisée de l’élevage permet de ne pas avoir de poux et donc d’éviter les traitements
- Les effluents d’élevage sont réutilisés directement sur la ferme par amendement des cultures maraichères.
- Il n’y a pas de mécanisation
Pour les plus curieux : l'étude de cas !