EGA : quel bilan après 2 ans ?
Publié 03/11/2020
Il y a trois ans, le 11 octobre 2017, le Président de la République a lancé les États Généraux de l’Alimentation (EGA), le « chantier » de son quinquennat sur l’agriculture et l’alimentation. Le 1er novembre 2018 était promulguée la loi pour l’Équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Loi EGAlim.
Deux ans plus tard, la "plateforme EGA", qui regroupe des associations environnementales, de santé, de consommateurs, et des syndicats de paysans, et dont CIWF est membre, publie un bilan de ces deux initiatives gouvernementales. Le constat d’échec est sans appel tant la quasi-totalité des indicateurs sont au rouge.
Ambition affichée concernant le bien-être animal
L’objectif des EGA visait en partie à répondre aux attentes des consommateurs pour une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous, en s’appuyant notamment sur les revendications issues de la consultation citoyenne, parmi lesquelles figuraient l’interdiction des cages, la transition des élevages intensifs vers des modes de production plus respectueux de l’animal, ou encore la mise en place d’un étiquetage du mode d’élevage et d’abattage.
À la demande du Président de la République, les plans de filière ont dû être rédigés très rapidement pour fin 2017, pour définir pour chaque filière une feuille de route pour intégrer à moyen et long terme les moyens de production dans une démarche de progrès, notamment sur la question du bien-être animal.
Un an plus tard était promulguée la loi agriculture et alimentation, apportant des améliorations à la marge pour la condition animale, sans véritable engagement en faveur de la transition des modes d’élevage vers plus de bien-être animal. Des heures de débats pour des avancées peu significatives, à savoir :
- L’extension du délit de maltraitance animale aux établissements d’abattage et de transport d’animaux vivants ;
- Le doublement des peines pour maltraitance animale qui passent de six mois à un an d’emprisonnement et sont assorties d’une amende de 15000 € ;
- La possibilité pour les associations de protection animale de se porter partie civile ;
- La désignation d’un responsable de la protection animale dans chaque abattoir avec le statut de lanceur d’alerte ;
- L’expérimentation sur la base du volontariat de la vidéosurveillance dans les abattoirs (art. 71) ;
- Expérimentation pour une durée de quatre ans des dispositifs d’abattoirs mobiles (art. 73) ;
- L’interdiction de mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses en cages ;
- L’obligation pour le Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de dix-huit mois, un rapport portant sur les évolutions souhaitables et les réalisations concrètes des volets relatifs au bien-être animal prévus dans les plans de filière des organisations interprofessionnelles (art 69).
Bilan
Concernant l’expérimentation de la vidéo surveillance dans les abattoirs :
Quatre abattoirs participent à l’expérimentation pour l’instant, une base trop faible pour en tirer des conclusions significatives. Les quelques constats connus portent pour l’instant principalement sur les conditions de travail et peu sur la protection animale.
Concernant l’expérimentation des abattoirs mobiles :
Cette expérimentation a permis de changer radicalement la position de l’État sur les projets d’outils mobiles d’abattage, qui reçoivent désormais un accueil favorable. Toutefois, de nombreuses questions réglementaires persistent. C’est pourquoi, à l’heure actuelle, aucun abattoir mobile n’a vu le jour, même si quelques projets pourraient émerger en 2021.
Concernant l’interdiction des nouveaux bâtiments d’élevage de poules pondeuses en cages :
En 2017, lors de sa campagne pour les élections présidentielles, le candidat Emmanuel Macron avait affirmé, oralement et via son compte Twitter : « Je prends notamment l’engagement qu’il soit interdit d’ici 2022 de vendre des oeufs pondus par des poules élevées en batterie ». Un engagement réitéré en tant que Président de la République lors des États Généraux de l’Alimentation.
Pourtant, ni la loi EGAlim ni les engagements de la filière ne laissent présager la réalisation de cet objectif. Car si l’adoption de l’interdiction de la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses en cage, a été voté dans le cadre de la loi EGAlim, depuis son adoption, le ministre de l’Agriculture tente en effet de réduire la portée de cette mesure.
Concernant les plans de filières :
Les plans de filières ont certainement permis une prise de conscience de l’importance du sujet du bien-être animal pour les filière. Mais malgré quelques prises de position encourageantes, les filières peinent à s’engager dans des transitions d’ampleur sans visibilité sur l’orientation du modèle de production soutenu et valorisé par les politiques publiques. C'est plans de fillières demeurent clairement insuffisants pour engager, à eux seuls, de véritables transitions dans les modes de production.
Par ailleurs, un suivi défaillant a été par la suite été mis en place et le rapport prévu à l’article 69 de la loi EGAlim, devant intervenir au 1er juin 2020, n’a toujours pas été remis au Parlement.
L’expérimentation de l’étiquetage du mode d’élevage n’est toujours pas mise en oeuvre non plus, malgré l’engagement du gouvernement et l’avis rendu à ce sujet par le Conseil National de l’Alimentation.
Le gouvernement doit revoir sa copie
Alors qu'il reste 2 ans seulement au gouvernement pour agir, le bilan est donc très loin d'être à la hauteur des enjeux. Il reste maintenant un levier d'action pour rectifier la barre : le Plan Stratégique National de la PAC (Politique agricole commune), qui doit etre validé d’ici juin prochain. Nous attendons du gouvernement qu'il prenne enfin les mesures pour une agriculture durable et morale.
Bilan Ega: