Publié 18/02/2015
C’est inouï : de nos jours, un litre de lait peut coûter moins cher qu’un litre d’eau minérale. Nous avons étudié les raisons de cette folle course aux rabais et comment retrouver de la nourriture éthique et durable dans nos assiettes.
Voici une routine quotidienne de notre ère moderne : nous poussons les portes d’un supermarché, entassons des denrées diverses et variées dans un caddie, avant de finir à la caisse et regarder nos achats avancés sur un tapis roulant avant de les empaqueter.
Combien sommes-nous à faire réellement attention aux prix qui défilent ? Nous ne parlons pas seulement d’un rapide coup d’œil pour vérifier qu’on nous a bien appliqué une réduction ; nous parlons des vrais prix, de ce que chaque chiffre signifie.
De l’évolution des prix à travers les âges
À l’origine, les étiquettes avaient pour mission de nous indiquer la valeur d’un produit. Dans le cas des denrées alimentaires, le prix est censé correspondre aux matières premières utilisées pour leur culture, aux procédés utilisés pour leur récolte, leur traitement, leur conditionnement, leur commercialisation et leur distribution. En théorie donc, plus un produit exige de travail et de ressources, plus son prix est élevé.
Mais comme le montre si bien le lait « discount », la plupart des étiquettes n’illustrent plus le véritable coût des produits qu’elles sont censées représenter.
Quand Mammouth écrase les prix
La politique de production de masse à prix écrasés propre à ce type d’agriculture ne se préoccupe absolument pas du lourd tribut infligé aux animaux, aux travailleurs agricoles et à leur entourage, à notre santé et à l’environnement. Non seulement les prix de détail de ces produits sont artificiellement bas, mais cela encourage notre culture du « tout-jetable » qui se caractérise par une hyperconsommation et un grand gaspillage (en Europe, 30 % de nos aliments passent directement à la poubelle).
Un prix peut en cacher un autre
Posons-nous la question : comment les coûts réels des aliments discount peuvent-ils être si facilement dissimulés ? Voici quelques éléments de réponse :
- La « guerre des prix » au cœur de la grande distribution : le phénomène séculaire de la concurrence a pris des allures de guerre au cours de ces dernières années avec des enseignes qui cherchent à tout prix à abattre leurs concurrents. La crise financière a également accéléré cette course au nivellement des prix par le bas. La conviction selon laquelle les consommateurs sont motivés par l’argent et uniquement par l’argent a encouragé les grandes enseignes à brader leurs prix à tout va. Le résultat ? Une guerre des prix à laquelle se livre encore aujourd’hui l’ensemble de la grande distribution avec toute la véhémence et la pugnacité qu’on lui connaît.
- La croissance à tout prix : de nos jours encore, croissance économique et choix pour les consommateurs ont une influence majeure sur les décisions de nos politiques, avec des effets pervers sur l’industrie agro-alimentaire. Seuls des décisionnaires visionnaires et courageux pourront s’attaquer à ce type de problème.
- Des subventions dévoyées : la course aux bas prix qui frappe notre alimentation a entraîné une distribution erronée des subventions gouvernementales avec pour sentiment, dans la plupart des pays, que l’agro-alimentaire de masse est un marché rentable pour les exploitants. En Amérique du Nord, il est largement reconnu que les subventions accordées par l’État aux producteurs de matières premières destinées à l’alimentation animale (comme le maïs et le soja) sont à l’origine du boom de l’agro-alimentaire industriel. La chute des prix de ces matières premières a entraîné la production de denrées artificiellement bon marché, avec pour conséquences des consommateurs encouragés à acheter de la viande de bien moindre qualité.
La solution
À défaut de solution miracle, certaines décisions pourraient véritablement faire la différence :
- Retrouver un marché honnête, qui reflète le coût réel de la production alimentaire, avec des aliments sains meilleur marché (grâce à un abattement des taxes accordé en fonction du bénéfice socio-environnemental apporté) et des produits industriels, moins sains et moins durables, plus chers (grâce à un prix reflétant tout l’impact négatif qu'à ce type de production sur les animaux, les individus et la planète).
- Encourager les éleveurs à défendre les systèmes durables et respectueux du bien-être animal. Pour en arriver à cela, une remise à plat totale des politiques de subventions actuelles serait nécessaire. À commencer par la Politique agricole commune (PAC) qui gagnerait à être améliorée.
- Encourager les consommateurs à soutenir ce type de systèmes agricoles. Une information plus accessible (via un étiquetage clair et obligatoire) serait une bonne première étape.
Il est possible qu’en définitive nous devions payer un peu plus cher la viande, les œufs et les produits laitiers, mais cela pourrait en retour nous éviter de payer pour les conséquences d’un système qui détruit l’environnement et surcharge nos hôpitaux.
En d’autres termes, il est essentiel de garantir aux foyers les moins aisés un accès à une alimentation plus saine; tout le monde mérite de manger à sa faim des aliments de qualité, sans se ruiner. Il est donc urgent de passer à un système tarifaire plus honnête et transparent, pour que chacun puisse connaître le véritable prix des aliments que nous consommons.
Malgré les difficultés que tout cela représente, nous croyons en une révolution de notre système actuel. Nous laisserons le mot de la fin à Tim Lang, expert en politique nutritionnelle à l’Université de Londres, qui a récemment déclaré dans Newsweek : « Nous observons actuellement un mouvement sans précédent, avec une volonté manifeste de changer le système actuel pour une alimentation plus saine à la portée de tous. Le changement n’est pas pour demain, car nous sommes au cœur d’une lente réforme [du système alimentaire]. Je suis toutefois très optimiste, car sans ce changement vital, notre système de santé publique et notre environnement courent un grand danger. »
Envie de réagir à cet article ? Vos réactions sont les bienvenues sur Facebook ou Twitter.