Publié 15/04/2010
Mangez moins de viande, dit le plus grand Institut de Recherche Agronomique Européen
La présidente de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) confirme que manger moins de viande et soutenir les petits exploitants sont essentiels pour nourrir le monde.
Il est estimé que la population mondiale dépassera 9 milliards en 2050, et l’élevage produit déjà presque un cinquième de toutes les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. Depuis longtemps déjà, CIWF plaide que l’élevage industriel n’est pas seulement cruel (il représente la plus grande source de souffrance animale au monde), mais constitue également une manière de nourrir le monde qui n’est pas durable. L’élevage industriel représente un gaspillage de ressources précieuses telles que céréales, pétrole et eau, ainsi qu’une source de pollution pour l’environnement.
Notre rapport de 2009 Eating the Planet appelle les gouvernements à promouvoir une réduction de la consommation de viande et à soutenir les exploitations agricoles plus petites et plus humaines.
Aujourd’hui, dans une interview avec le magazine Nature, la présidente de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) Marion Guillou confirme qu’il est indispensable de réduire la consommation de viande et de soutenir les petits exploitants si l’on veut relever le défi de nourrir une population mondiale croissante.
« Notre régime alimentaire va être un facteur déterminant dans notre capacité à nourrir le monde » affirme Marion Guillou. « Il nous faut assurer la disponibilité de 3000 kilocalories de nourriture par personne et par jour, dont seulement 500 proviennent de produits animaux (…). Cette quantité procure une alimentation saine et satisfaisante, mais est bien loin d’une alimentation occidentale typique. » Elle ajoute que « si nous conservons le régime alimentaire actuel typique des pays [occidentaux], et si beaucoup d’autres pays suivent notre trajectoire, nous n’obtiendrons pas les mêmes résultats en termes de disponibilité de nourriture que ceux que nous obtiendrions avec une alimentation plus modérée dans le monde entier. »
Convergence des régimes alimentaires
Environ un milliard de personnes dans le monde souffrent de la faim. Dans le même temps, plus d’un milliard sont en surpoids et 300 millions sont définis comme obèses – la crise d’obésité étant partiellement entretenue par la surconsommation de viande et de produits laitiers.
Pour que le monde parvienne à un approvisionnement alimentaire plus équitable, il est indispensable que les pays développés réduisent leur consommation de viande et de produits laitiers, de façon à ce que les régions telles que l’Afrique sub-saharienne puissent accroître la leur, et que les deux convergent à un niveau viable à la fois pour la santé humaine et pour l’environnement.
Réduire les pertes et stabiliser les prix
Un tiers de toute la nourriture achetée est jetée dans les pays riches tels que le Royaume-Uni. Marion Guillou est convaincue qu’il est essentiel de travailler avec l’industrie de la transformation et de la distribution alimentaires pour réduire la quantité de nourriture que nous jetons : « nous perdons non moins de 30 à 35% de la production mondiale de nourriture. Cela nous donne une grande marge de manœuvre pour augmenter la quantité de nourriture disponible. »
Stabiliser les prix constitue une autre solution importante pour résoudre la crise alimentaire. « Nous avons déjà suffisamment à manger pour nourrir tout le monde sur la planète à hauteur de 3000 kilocalories par jour, mais c’est une question de prix » explique Marion Guillou. Afin de stabiliser les prix au niveau international, elle préconise de réguler les marchés pour éviter les fluctuations de prix et pour garantir des prix minimums de sorte que l’exploitation agricole reste viable.
Une conférence mondiale appelle au soutien de la recherche
L’interview de Marion Guillou fait suite aux résultats positifs de la toute première conférence mondiale sur la recherche agricole pour le développement, organisée à Montpellier en mars 2010 par le forum mondial de la recherche agricole. L’événement a souligné le besoin de soutenir les petits exploitants agricoles, avec « un message clair sur le retour en force des exploitations familiales, les rendre plus productives étant essentiel à la fois pour réduire la pauvreté et pour répondre à la demande alimentaire locale et mondiale. »
Marion Guillou précise que, parce que l’attention internationale se porte depuis longtemps sur les grands élevages industriels, il est nécessaire que cette évolution des systèmes de production soit doublée d’une évolution en matière de recherche. « Les thèmes de recherche relatifs aux petites exploitations sont très différents des thèmes relatifs aux grands élevages. Ils incluent par exemple des concepts tels que la rotation des cultures, la complémentarité des animaux et des plantes et l’utilisation des déchets animaux comme engrais, ce pourquoi les questions de recherche ne sont pas les mêmes. »
Joyce D’Silva, Directrice des Affaires Publiques pour CIWF, a déclaré : « CIWF est ravie que le plus grand institut de recherche agronomique français préconise dorénavant une réduction de la consommation de produits d’origine animale et un soutien accru pour les petits exploitants. Cela rejoint notre propre position pour une réduction de la consommation de viande alliée à une hausse des standards de bien-être animal, pour que bénéficient tout à la fois les hommes, les animaux et la planète. »